2004. Il y a une rumeur qui dit que quand on est sur le point de vivre nos derniers instants, on voit toute notre vie défiler devant nos yeux. Malheureusement, ce n’est pas qu’une rumeur, Merle voit les images de sa pitoyable existence, chaque moment, bon ou mauvais. Toutes ses erreurs et ses bonnes décisions qui passent presque inaperçues. Sa vie va se terminer ici et maintenant, sur autel sacrificiel de Mosquito le Barbare.  Ses gémissements sont inutiles car appropriée à une telle scène. Les larmes de douleurs se lient à celles de peur alors que la lame censée lui ôter la vie est brandie. Il est impossible de se défaire des liens qui la maintiennent sur l’autel. Merle se revoit à sa première audition à tout juste 18 ans, son premier rôle quelques temps plus tard, sa première mort, sa première apparition nue et toutes les autres. Merle n’est pas une actrice, elle s’en rend compte alors que la vie quitte son corps. Elle n’est qu’une pimbêche aux limites inexistantes utilités pour faire un peu de fric et émoustiller les adolescents boutonneux. Elle a honte et comprend alors ses parents qui lui avaient tourné le dos suite à son premier film du genre. Pas actrice hollywoodienne, pas actrice porno, entre les deux, elle ne vaut pas mieux qu’une prostituée. C’est ça, Merle la prostituée du show-biz, la pute des réalisateurs ratés. Ce monde qui l’entoure, celui dont elle a mis tellement de temps à convaincre, n’est qu’une mascarade, sa tombe. La lame en plastique vient percuter son abdomen avant de se rétracter dans le manche. Sa vision se trouble et la douleur disparait, sa respiration ralentit jusqu’à devenir indétectable. Elle entend pour la dernière fois le réalisateur crier couper et les applaudissements.

2003. Sa coupe de champagne se remplit aussi vite qu’elle se vide. Il est 23 heures et elle ne marche déjà plus très droit. So agent lui a trouvé cette soirée organisé par un rappeur en vogue donc elle ne se souvient même pas du prénom. Elle danse, se colle à des hommes et les aguiche. On lui propose un sachet de poudre blanche, aussi appétissante qu’une pizza. Elle est prête à tout pour s’amuser, profiter de la vie allant même jusqu’à sa propre destruction. Son fiancé est assis sur un canapé et la surveille, il a un rôle simple : ne pas la laisser dépasser les limites. Enfin pas si simple que ça car elle est déjà complètement défoncée et en sous-vêtement autour de la piscine. Merle aime cet homme, il est son âme-sœur, elle ne est persuadée. Il est si gentil avec elle, il l’aide dans son travail, l’accompagne sur les plateaux et durant les castings, il la protège des paparazzis. Il est si bon, si gentil avec elle. Hammond, son doux prénom résonne alors qu’elle le hurle à plein poumons. Elle n’entend pas les rires ni les moqueries qui l’entourent, elle se fiche des gens et de leurs avis. Elle ne se rend même pas compte, qu’elle n’est pas à sa place, qu’elle est l’évènement de la soirée, l’attraction qui occupe les invités. Non, elle ne le voit plus, son corps carbure à l’alcool et aux substances illégales, elle prend tout ce qui traine, elle  n’a pas de préférence. Ses voyages aux urgences pour overdoses sont oubliés. Quand on lui demande Pourquoi tout ça ?, elle répond que c’est juste pour s’amuser et qu’elle peut arrêter quand elle le souhaite, mais elle n’a que 24 ans, alors elle ne voit pas l’intérêt. En vérité, c’est pour oublier sa carrière pitoyable d’actrice de seconde zone, un seul rôle principal en sept ans et dans un nanar en plus. Il est loin son rêve de paillette et tapis rouge. Ses envies de tourner pour les plus grands, Burton, Spielberg… Sa filmographie se contente de Journée chez la famille Sauvages, Retour chez la famille Sauvages, Les raisins de la mort, Yéti VS Canard Géant, Les Cheerleader cannibales, Mister Bighand, Amour à la morgue ou encore Les cinglés au bal masqué.. Merle n’espère plus devenir une grande actrice  à présent, elle veut juste de quoi vivre et même avec sa vie de débauche, elle arrive secrètement à mettre de l’argent de côté. Elle ne gagne pas autant qu’un second rôle dans un blockbuster, mais elle a réussi à se faire un nom et les réalisateur de série Z sont prêt à tout pour l’avoir elle et ses beaux attributs dans une de leurs œuvres ratées. Les réalisateur de série B sont plus difficile à convaincre, surtout à cause de sa réputation, mais elle reste une bonne actrice qui n’a pas eu le rôle de sa vie, alors il lui arrive d’avoir des rôles dans des films qui sont diffusés dans des cinémas de quartier. Toutes les actrices ne peuvent pas se vanter d’avoir été élue Poitrine la plus connue du côté obscur du cinéma. Merle a fêté cette récompense comme il se devait, avec un petit voyage aux urgences pour terminer.

2006. Son annulaire caresse la cicatrice encore rouge qui lui traverse la poitrine puis s’arrête sur son ventre qui commence à s’arrondir. C’est risque d’après les médecins, tout est encore fragile, mais Merle a besoin de ça pour se reconstruire, un but. Elle a passé plus d’une année loin de chez elle, loin de ses proches, entre l’hôpital et la rééducation. Aujourd’hui, elle arrive enfin à revivre et elle se permet d’espérer. Oui, elle espère enfin une vie meilleure, loin des caméras et des journaux à scandales. Merle veut aller de l’avant et ce petit être qui grandit en elle est une raison parfaite pour tout recommencer. Son agent la pousse à sortir, à officialiser sa grossesse, à montrer aux gens qu’elle va bien, mais Merle sans fiche des gens. Qui s’inquiète de la santé d’une actrice de second rôle ? Il y a aussi Hammond qui s’éloigne, il est distant et de plus en plus absent. Il a réussi à avoir un rôle dans un film à gros budget, un exploit. C’est une bonne chose, ils vont pouvoir garder la maison comme ça. « Hammond ? J’aimerai qu’on parle. » C’est sa troisième requête du genre, jusqu’à présent il n’avait pas le temps, mais aujourd’hui, elle est bien décidée à lui parler de sa décision. « Oui ? » Il ne décroche pas ses yeux de la télévision où il repasse pour la sixième fois son film.  « J’y retournerai pas. » Merle attend de lui de la compréhension, du réconfort, pourtant dès qu’il fait pause, elle sait que ça ne va pas se passer comme il faut. « De quoi ? Je ne comprends pas. » Elle s’assoit sur le canapé qu’elle s’est offert grâce à son troisième film. « Je ne veux plus tourner, je ne veux plus enchainer les rôles minables. J’ai envie de vivre le reste de ma vie loin de ce monde et élever notre enfant ainsi.» Le visage impassible d’Hammond lui donne la chair de poule, elle ne l’avait jamais vu ainsi. « Je, je, je, tu penses donc qu’à toi, qu’à ta petite personne ? Tu crois que je t’ai accompagné, soutenu et supporter pendant ses années pour repartir à zéro car madame a eu une révélation ? » Il se lève en balançant la télécommande sur le sol. Il est effrayant avec ses grands gestes et son visage rouge. Il lui hurle des choses qu’elle n’arrive pas à comprendre, qu’elle ne veut pas comprendre. « J’ai enfin ce que je souhaite et tu veux me l’enlever ? Tu sais ce que j’ai enduré toutes ses années ? Le sentiment de honte que j’avais pendant nos sorties ? Le dégoût lors des petites fêtes ou tu étais le centre d’attention. Je me suis pas forcée pour que tu foutes tout en l’air ! » Il tourne les talons et prend la direction de la chambre, très vite suivie par une Merle en larme. Elle ne comprend pas pourquoi il est si méchant. Ils sont amoureux, ils s’aiment, ils vont être parent, pourquoi il est comme ça. « Tu vas où ? » Elle sent sont cœur palpiter, mais elle s’en moque, elle doit le retenir.  « Je me casse ! » Il l’insulte et elle se laisse faire. Merle évoque le bébé et il réplique en lui disant qu’il n’est peut-être pas le père ça serait une surprise pour personne ose-t-il rajouter.
Son cœur s’est arrêté quelques jours plus tard. C’est une bonne chose pour le médecin car Merle est encore trop fragile pour mener à bien cette grossesse, surtout après un tel choc qui a fait la une des journaux. Ce médecin ne comprend pas pourquoi sa cliente se promène avec un faux ventre de femme enceinte, il ne sait pas que c’est une idée de l’agent de Merle. D’après elle :  « Si les journalistes apprennent que tu as perdu l’enfant, ils vont te faire vivre un véritable enfer, personne ne respecte le deuil, ici. » En réalité c’est pour ne pas assombrir l’image d’Hammond, imaginez la couverture des journaux : il largue sa fiancée qui fait une fausse couche quelques jours plus tard. Un véritable cataclysme pour une carrière en plein décollage.  L’annonce d’un enfant mort-né, mais définitivement fin à leur histoire. Il ne se gêne pas pour faire porter le chapeau à Merle et ses années d’excès. Elle ne lui répond pas, trop occupée à se reconstruire.

2015. Une vie parfaite loin des projecteurs et des tapis rouge, enfin quasiment. Merle est à présent dans l’ombre des célébrités et des artistes. Elle aime se voir comme leur ange-gardien. Tout lui sourit enfin, un époux parfait, deux beaux enfants en parfaite santé. Elle n’a besoin de rien de plus, sauf peut-être d’une petite fille, elle ramène souvent le sujet sur la table, mais il s’empresse de changer de conversation. Elle ne sait pas pourquoi il agit ainsi, mais jusqu’à présent, ça ne l’inquiétait pas plus que ça. Elle s’est souvenue d’Hammond, tout a commencé ainsi, elle est effrayée de voir son mariage se terminer ainsi. L’idée d’une maitresse lui traverse l’esprit et s’installe dans son cerveau qui fonctionne bien trop vite pour une seule personne. Il y a aussi cet homme, cet étranger à l’allure sauvage. Un regard et c’était comme-ci elle le connaissait par cœur. Elle rêve de lui, elle rêve que leurs corps s’enlacent pour ne former plus qu’un. Il l’obsède jour et nuit et le revoir devient une nécessité. Elle se sent coupable quand elle voit son mari, mais c’est plus fort qu’elle. Sa vie est en train de prendre un nouveau tournant.