YOUR GIRLFRIEND IS A GOLD DIGGER.
Elle ignora l’inscription, graffiti de la honte sur le mur de la maison immaculée. Elle venait de démentir l’existence d’une potentielle petite amie. Son cœur s’était écrasée sous la pression –je n’ai pas de petite amie, c’est ridicule, des rumeurs, ha-ha. Et elle avait avalé son verre de vin d’une traite. Encore sage et douce, Lollie. Encore souriante pour les caméra. Elle se contentait de se cacher derrière ses lunettes de soleil, ignorant les flashs, ignorant les photos qu’on lui jetait à la figure. Et le graffiti, œuvre d’un démon qui la poursuivait, ce graffiti immonde. Elle ne savait plus trop comment réagir –elle n’aurait jamais dû démentir ? Laisser la haine se déverser sur tout ce qu’elle tentait de construire ? Et son cœur pâte à modeler aurait pris la forme d’un bloc de pierre brut, une fois de plus, pour être refaçonné par son regard aiguisé.
Elle l’aimait. Le monde la haïssait.
Et ses doigts tremblaient. Elle prenait les verres qui se brisaient –les uns après les autres- entre ses doigts coléreux.  Et il fallait contenir la colère –elle pourrait exploser ailleurs, autant que tout se passe ici. Les tables retournées et les magazines envolés. Des pots de fleurs qui s’écrasent dans le fond de la piscine. Des dégâts qui prendraient une journée entière à être réparés par les employés de la maison –ras-le-bol de certains qui avaient quitter leur poste. Seule une était restée, trop attachée à mademoiselle Flowers. Figure maternelle en costume de femme de ménage, elle fondait en larmes entre ses bras charnus et laissait les mains caresser sa chevelure. Rien n’allait plus, tout partait en vrille –Shauna ne venait même plus la voir à l’improviste, par peur, par crainte ou que savait-elle encore ? Elles s’étaient disputées. Pourquoi tu continues tes conneries, Shauna ? Pourquoi tu ressens toujours ce besoin de prendre à ces hommes ? Pourquoi tu fais ça alors que t’as dit que tu m’aimais ? Qu’elle avait supplié la dernière fois où elles avaient partagé le lit. Mais Shauna était partie, ombre nocturne, silencieuse, rampant contre les murs. Et la colère était revenue, cette colère insatiable, toujours nourrie par les polaroïds et les présentateurs télé. Par les graffitis, les fans en colère, la presse people. Foutu presse à scandale. Elle balaya une dernière fois les larmes sur ses joues fardées. S’effondra, bouteille de whisky à la main, sur le canapé devant l’écran LCD.

« Can you tell us, Lollie, if the rumors are true ? Are you really having an affair with this well-known strange pathetic whore ? » Fou. Elle avait le regard fou. La photo de Shauna dans les bras de ce porc immonde. Celle où elle coince des billets dans les bretelles de son maillot de bain. Celle où mademoiselle se fait acheter une montre hors de prix. Tout le monde connaissait ces photos –elles dataient toutes tellement et pourtant chacun aimait à les ressortir pour mettre Lollie mal à l’aise. Pour la pousser à bout. Et c’était gagné. Elle ne réfléchissait plus –déploya ses griffes, fauve, ouvrit la bouche pour hurler de rage, sauta sur la présentatrice. C’était la première fois qu’elle perdait son sang-froid. Première d’une longue série. « The hell is wrong with y’all ? » hurla t-elle lorsqu’on l’attrapa par le col pour lui faire lâcher prise sur sa proie immobile sur le sol. Elle cracha sur la pauvre femme. L’audience se tût. L’antenne fut coupée. Le scandale devient très vite viral. Et des sondages « Did she deserve it ? » pullulaient sur le web. Lollie regardait, sirotant ses boissons, hurlant « OF COURSE SHE FUCKING DESERVED IT. I SHOULD’VE KILL THAT GODDAMN BITCH. » et des larmes de rage le long de ses joues. Mais où qu’elle était Shauna, pendant tout ce temps ? C’était pour elle, tout ça. C’était sa faute, tout ça. Shauna shaun shauna. Elle écrivait son nom sur les carnets de ses chansons et brûlait les feuilles.

Le feu.
Entre ses doigts le briquet, entre ses doigts la flamme vive qu’elle approcha un peu trop près de la broussaille –départ de feu de plus en Californie en été. Elle restait plantée devant son œuvre, souriant ; le plaisir de voir ces flammes tout dévorer. Tout. Les flammes réduisaient tout en cendres –elle voulait mourir par les flammes, elle voulait que sa peau se consume dans la chaleur infernale des flammes d’un bûcher. Il ne resterait ainsi d’elle que des cendres. Personne pour éteindre les flammes qui la consumaient déjà de l’intérieur. Et ses yeux se laissaient envahir par les langues de feu. « Fuck. Lollie, jump in the car. » elle tourna doucement la tête, corps inerte face au spectacle qu’elle avait produit. Toute seule. « NOW. » des bras la tirèrent, elle se laissa faire, les yeux toujours fixant son œuvre. Son chef d’œuvre de flammes et fumée. Son chef d’œuvre infernal.